Actualisé à 23 heures dimanche avec la libération sans poursuite de l'homme gardé à vue.
A voir les terrasses encore endormies du vieux Nantes, difficile en ce dimanche matin ensoleillé d’imaginer le drame qui s’est joué à quelques encablures, la veille, pour le patrimoine français et les catholiques du pays. Samedi matin, il n’est pas encore 8 heures que les flammes ravagent une partie de la cathédrale gothique Saint-Pierre-et-Saint-Paul, emblème de la cité des Ducs auquel ses habitants, chrétiens ou non, sont particulièrement attachés. Malgré le dévouement de 104 pompiers, de précieuses pièces n’ont pu être sauvées, comme le grand orgue, qui avait jusque-là traversé quatre siècles d’histoire, le grand vitrail de la façade occidentale et un tableau du XIXe siècle, signé Hippolyte Flandrin, disciple favori d’Ingres. En visite sur les lieux samedi après-midi, le Premier ministre, Jean Castex, accompagnés des ministres de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et de la Culture, Roselyne Bachelot, a assuré que l’Etat prendrait «toute sa part dans la reconstruction» et «le plus rapidement possible».
«Je ressens une profonde tristesse», s’émeut Marie-Antoinette à la sortie de la messe dominicale de la basilique Saint-Nicolas, où les fidèles étaient bien plus nombreux que d’habitude. «C’était essentiel d’être là aujourd'hui», complète Jean-François Henry, président des Amis de la cathédrale, revenu précipitamment de l’île d’Yeu. «Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, nous sommes perplexes devant ce nouveau signe qui nous est donné… Est-ce qu’on prend suffisamment soin de nos églises ? Combien en faudra-t-il de brûlées pour qu’on se réveille ?» s’interroge Raphaël, coutumier de la paroisse venu prier avec ses parents, son épouse Marie, et leurs quatre enfants.
Jean Castex devant la cathédrale de Nantes, samedi. Photo Franck Tomps
«Très estimé»
Tôt samedi matin, une enquête a été ouverte par le parquet de Nantes pour «incendie volontaire». Les premières constatations ont permis de distinguer trois points de feu à «une distance conséquente» les uns des autres. «Ce n’est pas le fait du hasard», déclarait le procureur de la République, Pierre Sennès, annonçant la saisie de la police judiciaire et le recours à un expert incendie du laboratoire de police technique et scientifique de Paris, «pour examiner les départs de feu et l’installation électrique». La cathédrale, déjà meurtrie par un feu dévastateur en 1972, a-t-elle été visée intentionnellement ? Ou s’agit-il d’un simple accident (certaines sources intervenues sur les lieux ayant pointé que les trois départs de feu étaient certes très éloignés, néanmoins tous alimentés en électricité) ?
La question demeurait pleine et entière dimanche, quelques heures après l’annonce du placement en garde à vue d’un bénévole de la cathédrale (qui en compte une centaine), «très estimé» et «très intégré» dans la communauté catholique. La garde à vue de cet homme de 39 ans, arrêté samedi après-midi, a été prolongée à la mi-journée dimanche. C’est lui qui avait la charge de fermer la cathédrale vendredi soir, à la veille du sinistre, a indiqué à l’AFP le procureur de la République de Nantes, ajoutant que les enquêteurs souhaitaient l’entendre sur «les conditions» de cette fermeture et préciser certaines «contradictions» dans son emploi du temps. La veille, le magistrat avait indiqué qu’aucune trace d’effraction n’avait été relevée. Pour autant, Pierre Sennès a mis en garde : «Toute interprétation qui amènerait à impliquer cet homme dans la commission des faits serait prématurée et hâtive.»
«Tourmenté»
Dans la communauté catholique nantaise, on décrit le suspect comme «serviable», et «très agréable». Ce «servant d’autel» faisait partie «depuis quatre ou cinq ans» de l’équipe de sécurité de la cathédrale, composée de sept personnes et chargée d'effectuer un tour d'inspection de l'édifice chaque soir. «J’ai pleinement confiance en lui. C’est le point de départ de toutes ses responsabilités», réagit à la sortie de la messe le père Hubert Champenois, qui le «connaissait bien».
Depuis environ un an, le quasi-quadragénaire était hébergé chez les frères franciscains. «Doué de ses mains», ainsi qu’en informatique, il aidait volontiers à de menus travaux, et tenait régulièrement l’accueil au couvent. Originaire du Rwanda, il était «très accompagné, notamment par le Secours catholique nantais». D’après le recteur de la cathédrale, il avait également «fait des démarches pour avoir ses papiers, comme des centaines d’autres». «Il était très tourmenté par ses problèmes de papiers, il se sentait ballotté depuis des années. Depuis une huitaine de jours, il était dépressif», confie un proche, sans pour autant l’incriminer. Il met ce changement de comportement sur le fait que son «titre de séjour n’avait pas été renouvelé».
En l’état de la procédure, «il n’y a aucun élément qui rattache directement mon client à l’incendie dans la cathédrale», a déclaré son avocat, Quentin Chabert, dimanche après-midi devant l’hôtel de police de Nantes. Sa garde à vue a finalement été levée, dimanche soir, et le bénévole libéré «sans aucune poursuite» : «Il n’est pas impliqué dans la commission des faits» Le père Champenois, qui n’ose croire à la piste criminelle, assure par ailleurs que «toute l’installation électrique avait été refaite au niveau du chœur et de la nef ces derniers mois, juste avant le confinement». La police scientifique est, elle, toujours à l’œuvre pour tenter d’en savoir plus sur l’origine du sinistre.
July 20, 2020 at 01:56AM
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Cathédrale de Nantes : l’énigme après l’incendie - Libération
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Très agréable
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